Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager tout simplement mon processus de création. Depuis que j’ai plongé dans la peinture abstraite, j’ai développé une façon complètement différente de travailler, comparativement à lorsque je créais des œuvres avec des sujets plus réalistes comme des portraits.
Au départ, apprivoiser l’abstrait était pour moi un défi. Je désirais y parvenir depuis qu’une professeure d’art à l’université m’a dit de cesser d’essayer, que ce n’était pas «mon truc», alors que nous avions pour consigne de créer une œuvre abstraite. Inutile de dire que je n’avais pas obtenu une très bonne note dans ce cours et mon estime en a pris un coup, mais bizarrement je l’ai crue, parce que c’était une enseignante et elle devait bien savoir de quoi elle parlait. Néanmoins, ce commentaire m’est toujours resté en tête et je me suis donné comme défi personnel de réussir à peindre une œuvre abstraite. J’avais quelque chose à prouver.
Je comparerais l’apprentissage de l’art abstrait à celui d’une nouvelle langue. J’avais une vague idée de ce à quoi ça devait ressembler, mais je n’en connaissais pas le vocabulaire, ni la grammaire. C’était une exploration entièrement nouvelle et c’était très frustrant comme expérience! Toutefois, j’ai persévéré avec entêtement.
J’ai fini par réaliser que je n’arrivais à rien, parce que je n’avais pas de modèle. Je n’avais jamais trouvé d’œuvre abstraite qui m’inspire réellement et avec laquelle j’aurais connecté. J’essayais d’imiter quelque chose qui n’était pas moi, qui ne me ressemblait pas.
Le réel déclic s’est fait lorsque j’ai découvert la plateforme Instagram. J’y ai trouvé des artistes pratiquant l’abstraction et des œuvres qui m’ont chamboulée! Alors que je n’avais connu que des tableaux abstraits sombres, tourmentés et minimalistes, je découvrais un univers joyeux, exubérant et coloré. Un art qui s’éclate, pratiqué par des femmes artistes qui n’ont pas peur d’assumer leur féminité, leur vulnérabilité et leur extravagance. Quel bonheur de constater que les couleurs pastels, la brillance et les effets métalliques pouvaient très bien se retrouver dans des œuvres sérieuses et professionnelles.
J’ai décidé de me laisser aller et de puiser dans cette énergie douce et féminine que je n’avais jamais rencontrée dans mes études en art. L’apprentissage a été tellement ardu! Mais je savais que je devais continuer d’essayer. Je sentais qu’il y avait une source à l’intérieur de moi à débloquer, même si je n’arrivais pas encore à en trouver l’accès.
De tableaux, en essais, en échecs et en crises de larmes, j’ai fini par trouver ce quelque chose, cette énergie que je cherchais à canaliser. Je vous explique ici en quoi consiste mon processus de création intuitive, permettant de concentrer cette énergie et de l’utiliser :
D’abord, l’œuvre ne peut pas être planifiée à l’avance. Je ne fais pas de croquis et j’ignore de quoi ma toile aura l’air une fois terminée. Je ne cherche pas un résultat précis ni quelque chose de réfléchi. Toute notion de contrôle doit être évacuée.
Je peux débuter ma création avec une idée de base, une image floue ou une couleur en tête. Je peux penser à une tache mauve par exemple, une forme ou une composition globale en y ajoutant une zone noire délavée et un trait d’orangé. Parfois, j’ai envie de travailler spécifiquement avec un matériau, comme de l’encre ou des pastels gras, mais ce n’est que l’impulsion de départ. Une fois que je suis lancée, je ne m’accroche pas à une image mentale, je reste aux aguets pour voir quel sera le geste suivant à poser sur la toile. Il m’arrive aussi de débuter sans aucune idée de départ. Je me fie entièrement au processus et je sais que les idées viendront.
L’aspect rituel de la création tient une place importante dans mon processus. C’est ce qui m’aide à installer l’ambiance adéquate et permet à mon cerveau de se connecter sur les ondes nécessaires à la création. J’installe mon matériel : je sors ma palette et rempli un contenant d’eau (un vieux pot de yogourt recyclé). Je place un canevas sur mon chevalet et enfile le même tablier de cuisine bariolé de couleurs que je porte pour peindre depuis plus d’une dizaine d’années. Je mets de la musique. Cet élément est essentiel, j’ai besoin d’écouter de la musique pour être dans le bon état d’esprit pour créer. J’écoute souvent les mêmes artistes pendant des mois, voire des années. Je commence à chanter, je prends des couleurs, des pinceaux et je me lance!
J’adore cet instant de frisson et de vertige au moment de commencer un tableau. Tout pourrait arriver! Plutôt que de me paralyser, je me sers de cette sensation pour me propulser. J’arrive à me laisser aller plus facilement grâce à la musique et parce que j’ai appris à me faire confiance. Je suis aussi excitée de découvrir ce que je vais créer. À partir de là, j’essaye d’agir par instinct, de me perdre dans les couleurs et de suivre mes idées au fur et à mesure qu’elles apparaissent. Souvent, je n’arrive pas à peindre aussi vite que les suggestions se forment dans ma tête. Il m’arrive de sortir des couleurs les unes après les autres pour finalement décider de saisir un crayon, faire un trait, puis verser de l’eau sur la toile pour créer une réaction. J’ai des moments de frénésie ou les idées se bousculent et d’autres plus méditatifs ou j’ajoute minutieusement des petites touches de couleurs ici et là.
J’essaye de ne jamais être réellement concentrée sur ce que je fais lorsque je travaille. Je me laisse guider, mais avec détachement, sans essayer de faire du sens ou d’observer l’ensemble. Je suis partagée entre les gestes, les réactions de la peinture sur la toile et les suggestions des prochains mouvements qui se forment dans mon esprit. Je danse avec le tableau (parfois littéralement). Je dois procéder ainsi pour me protéger de mon critique intérieur qui autrement essaye de juger chaque action, remettant tout en question et me paralysant complètement. Le doute est un terrible frein et n’a pas sa place dans le processus créatif.
Ce qui m’aide à ignorer la voix du critique intérieur et à m’abandonner dans le plaisir de l’improvisation et de la découverte, c’est de savoir qu’il n’y a aucune conséquence grave à rater un tableau. La peinture acrylique surtout est tellement malléable, on peut recommencer et modifier une œuvre à l’infini. On peut même la cacher et s’en débarrasser. La plupart du temps, je suis agréablement surprise d’avoir créé quelque chose que je n’aurais pas su imaginer et cela me donne le goût et la confiance nécessaire pour recommencer! Je suis mon premier public. Je crée d’abord pour m’amuser et m’émerveiller. Ensuite, si cela plaît à d’autres, ce n’est qu’une belle récompense qui me remplit de joie et de fierté d’apporter un peu de beauté dans le monde.
Voilà pourquoi je peins et je ne suis pas prête d’arrêter!
Avez-vous des questions concernant mon processus créatif? Est-ce que certains aspects vous ont surpris ou intrigués? Vous êtes-vous reconnu dans ma démarche? N’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires!